Nos amis suisses de « Sortir du nucléaire », en réunissant plus de cent mille signatures (sur six millions de citoyens), avaient obtenu le droit de faire poser ces questions dans le cadre d’une grande journée de « votation ».

Il y a encore quelques semaines, les sondages donnaient 60% pour la sortie du nucléaire. Mais tout n’est pas parfait dans la démocratie suisse, loin de là : il n’y a pas de campagne officielle permettant de donner une information équilibrée. De fait, le lobby nucléaire a fait parler sa puissance financière, appuyé par le patronat suisse à hauteur de 10 millions d’euros. A l’approche du vote, les spots télévisés ont bien été suspendus par la gouvernement fédéral, mais des dizaines avaient déjà été diffusés. Et puis, de toute façon, tous les autres supports de communication ont été utilisés par les nucléocrates pour arriver à leurs fins. Leur thème principal a été la… catastrophe. Mais pas l’apocalypse nucléaire, bien entendu ! Non, il s’agissait du « désastre » qui, parait-il, menaçait la Suisse en cas d’adoption de la sortie du nucléaire. Pénurie, dépendance, pollution… c’est tout juste si le retour de la peste n’a pas été évoqué !

Avec leurs moyens limités, les militants antinucléaires ont diffusé de modestes documents d’information, des tracts, etc. Mais, malgré cet incroyable déséquilibre, il était possible d’espérer l’adoption de la sortie du nucléaire, ou alors au minimum le prolongement du moratoire.

C’est alors que s’est produit un incroyable coup de théâtre : le député Vert suisse Chaïm Nissim a révélé, dans Le Temps daté du 8 mai, qu’il avait tiré des roquettes sur Superphénix en 1982. Il avait obtenu un lance-roquettes auprès du groupe terroriste dirigé par Carlos, et, pendant la nuit du 18 janvier 1982, avait tiré sur la centrale en construction : deux roquettes avaient traversé le dôme, mais sans toucher de pièce vitale. La police n’était jamais parvenue à identifier le tireur.

Bien sûr, cette révélation pose de nombreuses questions. Jusqu’où peut-on, doit-on aller pour empêcher le nucléaire de mettre en danger l’avenir ? Comment empêcher la construction d’une centrale ? Nous serons peut-être confronté à de telles questions dans quelques mois en France !

Le mouvement antinucléaire est majoritairement pacifiste. Quant aux organisations comme le Réseau « Sortir du nucléaire », elles sont respeonsables et n’appellerons jamais à aller jusqu’à de telles extrémités.

Chaïm Nissim a donc agit à l’époque de sa propre initiative. On peut penser ce que l’on veut de son action de 1982, mais il est quand même stupéfiant qu ’il se soit senti obligé de révéler toute l’affaire… à dix jours du vote en Suisse ! Logiquement, ce scoop a été fortement médiatisé. Le lobby nucléaire s’est jeté sur l’occasion : « Les antinucléaires dénoncent les risques terroristes… en connaissance de cause ! Ce sont des irresponsables, des criminels ! »

Et dix jours plus tard, les résultats sont nets : la sortie du nucléaire et le moratoire sont rejetés,

respectivement à 66,2% et 58,4% des votants.
Comment et pourquoi Chaïm Nissim a-t-il pu tirer en 1982 à la roquette sur une centrale nucléaire, même en construction ? Bonne question.

Comment et pourquoi Chaïm Nissim a-t-il révélé son aventure à dix jours du vote sur le nucléaire dans son pays ? Bonne question aussi. Moi, comme je vois le mal partout, je me dis qu’il a été acheté, ou menacé. Le lobby est puissant. Très puissant.

En tout cas, quand on est antinucléaire, il vaut mieux ne pas jouer à la roquette...