Féminisme
Pour en finir avec les préliminaires. Plaisir des femmes, incompétence des hommes, cunnilingus et sextoys
Par Perline, jeudi 5 septembre 2013 à 00:00 :: Femmes, fesses, genre et tout ça ::#221

S’il y a bien un mot détestable dans le vocabulaire de l’amour hétérosexuel c’est celui de "préliminaires".
Préliminaires signifie "Qui précède et prépare une chose plus importante".
Or, les hommes - et du coup de nombreuses femmes et les médias tout entiers, y compris Wikipedia, - mettent derrière ce mot tout ce qui concerne le plaisir des femmes, et qui se fait avant que l’homme ne la pénètre et ne jouisse [1].
Et bien NON le plaisir des femmes n’est PAS le prélude à celui des hommes.
Le plaisir des femmes n’est pas un accessoire des hommes.
Le plaisir des femmes est un but en soi, il est même la seule chose importante pour la femme.
Et peut même être la seule chose importante dans une relation hétérosexuelle.
Quand j’étais jeune les hommes ne connaissaient pas le clitoris, pas plus le cunnilingus, qu’ils trouvaient impensable, dégoûtant, honteux, etc.
Il faut dire qu’à l’époque le cunnilingus était encore considéré un trouble mental... tout comme la fellation d’ailleurs, mais curieusement, ils n’ont jamais trouvé ça dégoûtant les hommes, la fellation, bien au contraire.
Déjà ça commençait mal...
A l’époque, on ne parlait pas de "ça", évidemment pas en famille, mais pas plus dans les magazines, ni avec les amis, qui n’en connaissaient pas plus, et souvent trouvaient aussi ça dégoûtant.
Je me souviens avec émotion qu’avec mon copain de l’époque - le premier - on avait acheté Union depuis le premier numéro [2] et on le dévorait, plein d’infos, on apprenait à se connaître, chacun et l’un l’autre. Mais attention, à l’époque c’était très soft quand on le compare à maintenant...
C’était la première source possible qui existait, à portée de main. Même si l’achat se faisait loin des quartiers connus...
Non, le cunnilingus n’est pas les préliminaires, c’est le principal, messieurs
Les hommes, souvent guidés par les pornos, ne savent pas donner du plaisir aux femmes.
Dans les pornos les hommes traitent les femmes pour leur plaisir à eux, mais le scénario montre les femmes jouissant, de ce plaisir des hommes.
Confortés dans leur certitude que tout tourne autour de leur plaisir à eux, ils pensent que si eux sont contents, les femmes jouissent !
Il est vrai qu’un scénario montrant un homme léchant une femme pendant de longues minutes, dizaines de minutes, ne refléterait pas ce qui excite les hommes, en général.
Un excellent article - que je vous invite à ne rater sous aucun prétexte - de rue 69, Les hommes ne savent pas lécher en général, fait le tour du sujet de très bonne manière.
Car quand ils s’y mettent au cunnilingus, si ce n’est pas leur désir, leur envie, leur plaisir, c’est de l’apprentissage, de la copie, de la technique pure, et même si parfois ils la pratiquent de manière appliquée, c’est pour un résultat raté.
Alors soit ils ne le font pas, soit ils le font mal, très mal.
Ainsi pour répondre à un homme qui me rétorquait que "certaines femmes n’aiment pas ça", je dirais que si "elles n’aiment pas ça" c’est peut-être qu’elles préfèrent ne rien avoir à subir du tout plutôt que quelque chose de mal fait, jusqu’à en être douloureux.
Bien sûr il peut aussi y avoir le poids de l’éducation, la honte de ces parties-là, la honte de permettre à un homme d’être aussi près de son intimité qui les fait refuser le cunnilingus.
Mais en tout état de cause subir un studieux, que l’on sent pressé d’en finir car il n’est pas là pour ça, mais pour son unique but, qu’il jouisse avec son pénis, lui, casse toute envie.
Et pour éviter les discussions compliquées, sur le thème du reproche, il est plus simple pour la femme de s’auto accuser de ne pas aimer, tout comme il est plus facile de simuler.
Messieurs vos pénis ne sont pas des organes de jouissance - pour les femmes -, en première analyse
Ah, je vois d’ici venir tous les commentaires scandalisés sur le thème "mais j’ai rencontré une femme qui jouit par la pénétration...".
Je dirais d’abord que si vous avez rencontré UNE femme qui, cela prouve que vous êtes d’accord avec moi, ce ne sont pas "les femmes" en général.
Je dirais ensuite, pourquoi ne voulez-vous pas comprendre qu’on n’est pas faits pareils, les hommes et les femmes [3] ?
Et qu’est-ce qui vous gêne tant, au fond, de faire jouir une femme sans votre pénis ?
Il est là le vrai problème. Vouloir à tout prix que votre partenaire jouisse comme VOUS l’entendez.
STOP au nombrilisme, OUI à la considération de l’autre.
Chez les femmes, le clitoris est la principale région du corps à l’origine du plaisir sexuel.
Pour cette raison physiologique, recevoir un cunnilingus est une des activités érotiques préférées des femmes.
Le plaisir des femmes méprisé, y compris par les plus "avancés" des politisés
C’est avec stupeur que j’ai lu un encadré de L’an 02 :
"Pour mettre à mal les idées reçues selon lesquelles les imprimantes 3D ne servent à fabriquer que des godemichés [...]"
Une analyse s’impose :
- Mise en premier lieu de cette application des imprimantes 3D, alors même que c’est très anecdotique, montre le côté intérêt type fin de banquet gros beauf clin d’œil salace de la part de la rédaction, qu’on aurait aimée moins tabloïd.
- Utiliser le mot godemiché, et non pas sextoy par exemple, méprise l’outil.
- "ne servent qu’à fabriquer" sous-entend que ça n’a aucun intérêt.
Or, l’importance du sextoy dans l’apprentissage de la sexualité féminine est niée, comme tout ce qui peut autonomiser les femmes et leur apprendre à se connaître, elles et leur corps.
Alors que le sextoy :
- permet des explorations, en particulier le "point G" et autre surfaces difficilement accessibles, qui amènent la femme à connaître et apprendre son plaisir [4].
- montre que la taille, largeur, longueur du pénis, ne comptent pas : les sextoys sont bien plus étroits et courts que n’importe quel pénis en général [5].
- autonomise la femme vis-à-vis de son plaisir, dans le temps, le lieu, le circonstances.
De plus, l’utilisation des imprimantes 3D pour la fabrication de sextoys ouvre la possibilité de les fabriquer sur mesure en fonction de l’anatomie de chacune, à un prix abordable.
Une véritable révolution : adaptation, connaissance de son corps, connaissance de son plaisir, autonomie, tout ce qu’il faut défendre pour les femmes.
Or on voit cette réflexion méprisante vis-à-vis de la sexualité des femmes, non pas dans un journal de paroisse, mais bien dans un journal dont le slogan est repris de L’an 01 "On débranche tout, on réfléchit, et c’est pas triste."
Et bien non, ils ne réfléchissent pas, et oui, c’est extrêmement triste.
Une fois de plus les grandes idées politiques, les grands élans révolutionnaires laissent les femmes, leur corps, leur sexualité, de côté, seul le point de vue des hommes est intéressant, et méprisant vis-à-vis de la sexualité des femmes.
On peut, si, si, si, trouver des hommes à la hauteur
Je vois venir des hommes, comme des femmes, scandalisé-es, disant que, si, elles en connaissent qui..., ou que eux-mêmes [6] sont autrement : qu’ils aiment le cunnilingus et effacent leur propre plaisir devant celui de la femme avec laquelle ils sont, parfois jusqu’à ne même pas jouir eux-mêmes.
Oui, bien sûr la chose a beaucoup et bien évolué depuis mon époque, les enfants des soixanthuitard-es ont été élevés avec d’autres connaissances, moyens d’information, moins de tabous.
Oui il en existe, des hommes qui s’informent, testent et surtout, surtout, aiment donner du plaisir aux femmes, pas comme eux l’imaginent, mais comme ELLES aiment, avec attention, apprentissage, bonne volonté, application, en aimant ça, ce qui est le principal en fait, quand on aime vraiment, on le fait bien et avec patience !
Mais je dirais aussi qu’ils ne sont pas légion et qu’il faudrait que l’éducation sexuelle des jeunes, filles et garçons, soit un peu mieux faite pour espérer une génération future qui mette au premier rang cette pratique et soit au top du cunnilingus !
Tableau, de Mihály Zichy (1827–1906).
[1] Comme il est souligné dans Wikipedia : Il est nécessaire de souligner, avant de décrire les variations personnelles, culturelles, sociales, ou tenant à l’orientation sexuelle des individus, que les rapports sexuels de la très grande majorité des personnes, dans les sociétés occidentales, consistent en une pénétration vaginale avec un partenaire de sexe opposé, associé à des caresses comme préliminaires.
[2] Juillet 1972.
[3] Et pire, si votre pénis est le centre de votre vie sexuelle et que vous considérez, comme nombre de gens suivant Freud sur ce thème, que le clitoris est un pénis en miniature, alors vous vous devez de comprendre que c’est le clitoris l’organe de jouissance principal de la femme, et non pas son vagin.
[4] Vous voyez que je reconnais que la pénétration peut aussi, parfois, avoir des avantages, mais ce n’est pas une raison pour oublier le principal... d’autant plus que le point G n’est probablement qu’une extension de la zone de plaisir du clitoris, à l’intérieur du vagin. Cela fera l’objet d’un autre article.
[5] Évidemment il y en a de toutes tailles mais pour l’efficacité seule, les plus vendus, donc, sont petits.
[6] Quoique là, je sois plus dubitative quand c’est eux qui se vantent, comme me disait un ami récemment, ce sont ceux qui en parlent le plus, etc.
Commentaires
Tout ceci est très juste, même si, comme vous le dites, les jeunes générations en sont plus conscientes aujourd’hui, au point que le sexe oral (de la part des deux partenaires, évidemment) tend à devenir un passage obligé (au bon sens du terme) de toute relation sexuelle épanouie.
Ceci étant, et même si les femmes qui ne parviennent pas à l’orgasme par la pénétration ont le droit à jouir d’autres manières (et il faut que les hommes se mettent ça dans la tête, vous avez raison), un homme préférera toujours les relations sexuelles avec une femme qui jouit aussi pendant la pénétration. Premièrement, parce que ça multiplie par deux les manières de faire plaisir à sa partenaire. Deuxièmement, parce que ça offre la possibilité de l’orgasme simultané homme/femme qui est quand même un grand moment de bonheur dans une relation sexuelle.
Je sais que dire cela est culpabilisant pour les femmes qui ne viennent pas forcément pendant la pénétration, mais c’est la dure vérité.
Bonjour Perline.
C’est moi la responsable de la brève sur les imprimantes 3D, et pas une rédaction de gros machos en fin de réunion... Je suis féministe, écolo, et j’ai acheté mon premier sex-toy à Womyn’s Ware à Vancouver (la ville de Better Than Chocolate), un magasin tenu par des femmes formidables pour qui les sex-toys servent à la fois aux femmes à découvrir leur plaisir et aux hommes à apprendre à se faire pénétrer. Je pense qu’on partage la même idée là-dessus...
J’ai donné dans ma brève l’exemple d’un godemiché parce que c’est avec l’assiette de pique-nique le premier objet de forme et de conception simple auquel je pense quand on me parle d’imprimantes 3D. Et comme ça a trait à la sexualité, j’avais plus de chances de faire sourire qu’en parlant d’aller manger des tomates dans les parcs. J’ai un peu réfléchi au "ne que" exclusif, je l’ai trouvé un peu limité et puis je suis passée à la brève suivante : 60 pages - 20 pages graphiques = environ 40 brèves à fournir en plein bouclage, l’attention baisse un peu parfois. D’ailleurs c’est autour de ces brèves du début de la revue que j’ai trouvé une coquille.
(La suite dans le commentaire suivant)
L’objet de mon ironie était les idées reçues concernant les imprimantes 3D, qui ne portent pas sur la création de godemichés mais sur la possibilité de se déprendre de l’industrie et du capitalisme. Une idée qui me laisse très sceptique mais on pourra en parler ailleurs.
Contente malgré tout d’avoir un retour sur L’An 02, même s’il est négatif, même si mon reportage sur les centres de femmes fait moins le buzz que cette brève... Et bonne nouvelle, le nouveau comité d’animation de la revue est paritaire !
Comment peut-on dire que le retour est "négatif" sur le journal, alors même qu’il n’en concerne quelques lignes ?
Avez-vous vous lu le reste ?...
Bonjour,
j’ai une question que j’argumenterai par la suite.
Pourquoi critiquer avec autant de colère un journal comme l’An 02 et de valoriser en le mettant comme lien l’article de Rue 89 sur "les hommes qui ne savent pas lécher" dont des propos et arguments me semblent sexistes ou peu déconstruits ?
Je m’explique.
les deux articles An 02/Rue 89, utilisent le terme "godemiché" qui n’est pas négatif mais juste le terme français pour "sextoy" ou "dildo". Bizarrement un article est mis en avant l’autre foulé du pied... normal...?
Sur la validité des arguments mis en avant dans votre article :
(suite dans un second message)
Où avez-vous vu de la colère... si ce n’est la vôtre ?
Pourquoi critiquer "un journal comme l’an 02" ? Je l’explique, il faut lire !
"de la part de la rédaction, qu’on aurait aimée moins tabloïd."
Parce que si des journaux supposés aller dans le bon sens de l’évolution pour une société plus juste tombent aussi dans les clichés sexistes, j’ai envie d’en parler.
Quant au reste je vous vois, effectivement, très en colère, sans argument justifié de fond, il est donc très difficile d’échanger.
De plus vous utilisez des termes que je ne comprends pas, sans les expliquer : mes arguments vous semblent sexistes ou peu déconstruits.
Pourquoi sexistes (les injures sans explications sont faciles, mais inutiles) ?
Je ne sais pas ce qu’est un argument "peu déconstruit".
Bref, respirez bien fort, en gonflant le ventre comme un ballon, vous verrez, ça ira un peu mieux ensuite...
(suite)
clitoridiennes et/ou vaginales ? Les femmes sont uniquement clitoridiennes car le clitoris est comme une toile d’araignée autour de notre vagin et donc ce sont les capteurs du clitoris qui permettent d’avoir du plaisir... Connaître son corps ce n’est pas seulement en jouir c’est aussi de permettre aux femmes de se saisir des discours sur LEURS plaisirs.
Je suis agacée des personnes qui pense que l’on peut casser des stéréotypes avec d’autres stéréotypes.
⚠️ <html>http://www.youtube.com/watch?v=uMJcGcBc2t8</html>
D’une part, j’y voit un fond hétéro-centré sur la nécessité du "mâle pénétrant". D’autre part, on peut découvrir son vagin (et jouir) avec ses mains. Je ne vois pas où sont situés les coins reculés dont on parle dans cet article qui nécessitent un sextoy... Je n’ai rien contre les godemichés, mais c’est aussi une mode largement reprise par le porno, centrée autour de la pénétration.
On revient au point de départ... Finalement j’ai l’impression qu’il aurait été plus constructif de revoir et reprendre l’article de Rue 89, que l’An 02 pour arriver à un point de vue plus étoffé sur le corps et la sexualité des femmes.
entièrement d’accord.
le jour ou ma future femme m a fait faire ce cunnilingus, j ai compris tout cela. un peu tard mais ce fut une évidence.
pataud au debut mes progrès se mesuraient aisément.
rien de plus important coté plaisir sexuel.
Mais il faut le dire, c est pour l homme, que dis-je pour moi, très important de faire jouir ma femme (au sens celle/s que l’on "fréquente").
Ce qui manque le plus c est de dire son besoin, envie et plaisir.
Si ma femme ne m’avait rien dit, je serais resté un nul parmi tant d’autres.
Elle a su me dire - c était il y a très longtemps. J’avais de mauvaises excuses d etre ignorant. Aujourd hui ce n est plus admissible de ne pas savoir.
Il reste encore que chacun doit savoir faire comprendre à l autre ce qu il veut. partager - faire (n’importe quelle chose, action ) - ce n est pas simple.
notre société ne nous éduque pas bien à agir ensemble et trouver les mots pour le dire ne vient pas aisément à mon/nos cerveau/x embué./s La culture de la competition, de l’élitisme (et de contrainte à ll’urgence de rentabiliser notre temps ..) est me semble-t-il, contraire à notre capacité à agir ensemble de manière sereine. pacifiée. A se concerter pour agir pour vivre (ce court moment le mieux possible) en tenant compte des besoins des envies des capacités de chacun versus les buts fixés.
une fois de plus
Merci et Bravo Perline