Un expert éphémère

À quoi reconnaît-on un expert ? À ses diplômes. À ses connaissances. À ses écrits. À sa prestance. À ses apparitions. À la qualité des médias qui l’invitent.
En résumé, il suffit de convaincre un média réputé – à l’aide d’un diplôme, d’un livre en préparation et de confidences - pour devenir un expert reconnu.
C’est ainsi que déboula opportunément, après le 11 septembre 2001, Alexis Debat, muni d’un DESS en Maîtrise des Armements et Désarmement, d’un projet de publication d’une Histoire secrète de la CIA, et, disait-il, de connexions lui permettant d’être détenteur de nombreuses confidences en provenance de sources secrètes, mais bien informées.

Le moindre des médias à tomber dans le panneau ne fut pas Historia, qui reprit, sans l’ombre d’une incertitude le CV annoncé : « historien et professeur à Yale » et présuma de la qualité de l’ouvrage sur la CIA « [appelé à faire référence ». Mais ne lui jetons pas la pierre, nombreux furent ceux qui crurent au leurre, télés, radios, journaux, peu échappèrent à l’assurance d’Alexis Debat, qui se présentait comme officiellement envoyé par le ministre de la Défense.
Sur le Net, on retrouve l’expert dans Libération, L’Humanité, la BBC, portant sa parole d’expert chez des Allemands, des Turcs, des Vietnamiens, des catholiques vietnamiens, des Anglais, des Taiwanais, des Chiliens, des Irlandais, des Russes, des Canadiens, des Tchèques, des Brésiliens, des Hongrois, des Espagnols

Mais l’ambitieux sujet du DESS, dirigé par André Kaspi (président du Comité pour l’histoire au CNRS), C.I.A. et perceptions de sécurité aux États-Unis, 1947-1962, se réduisit comme peau de chagrin à Perception d’insécurité et armes contrôlées aux États-Unis : l’exemple des défenses anti-missiles en 1997, mémoire présenté en 1997 : compulsion à chaud d’informations.

Le livre-référence indique « tirage épuisé », prévu en février 2000, annoncé en février 2003 n’est toujours pas sorti, l’éditeur avance la date de juin prochain.

De leur côté, quelques journalistes, paranos ou vieux routards trouvèrent curieuses « son expérience approfondie des cercles de pouvoir et sa grande proximité avec les éminences grises de la politique internationale », à moins de 30 ans.

L’histoire leur donna raison : plus jamais on n’entendit parler de l’expert officiel du ministre de la Défense.

Alexis Debat : l’expert évanescent…